Depuis l'autorisation de nouvelles modalités d’exploitation des données et des méthodes d’analyse prédictive par l'utilisation de l'intelligence artificielle et du data mining, les contrôleurs du fisc peuvent mieux cibler les entreprises frauduleuses. Ces technologies leur permettent en effet le recoupement de données, l’analyse statistique et l’apprentissage automatique, et donnent ainsi lieu à un traitement optimal du volume et de la masse des données détenues par la DGFiP.
En 2021, l’administration fiscale a notifié la recette de 13,4 milliards d’euros de redressements avec, plus particulièrement en ligne de mire, la fraude à la TVA. Depuis l'intensification de la lutte contre la fraude fiscale expliquée par l'ancien Premier Ministre Edouard Philippe en 2019, et compte tenu de l'accord du Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) pour l'utilisation du data mining à cette fin, la chasse aux fraudeurs est ouverte. Bercy s'y consacre de par l'utilsation de son logiciel étudié pour le passage en revue des données et des contenus rendus public sur le web (réseaux sociaux inclus) et obtient des résultats probants : l’année dernière, 45 % des contrôles ont été engagés suite au traitement et à une analyse des données de masse.
La somme d'1,2 milliard d’euros de droits et de pénalités a ainsi été notifiée grâce à cette cellule anti-fraude. Pour les entreprises, la bonne foi ne suffit plus : des comptes embrouillés, des écritures approximatives, l’incapacité à produire des pièces justificatives, le non respect des exigences réglementaires… tout dossier comprenant l'une de ces caractéristiques peut être interprété comme frauduleux, et donner lieu à un redressement salé. Heureusement, les entreprises ont elles aussi une puissante alliée technologique face aux agents vérificateurs de la DGFIP : l’intelligence artificielle en comptabilité.
Sans être à proprement parler une « arme anti-fraude fiscale », l’IA est un outil qui permet aux entreprises de tenir plus facilement une comptabilité rigoureuse et transparente, et de répondre à leurs obligations réglementaires et de contrôle fiscal. Pour cela, elle intervient principalement à trois niveaux :
Encodage des factures et des pièces justificatives : des données plus sûres
Bien que la dématérialisation soit en hausse dans la perspective de la généralisation de la facture électronique en 2026, les factures et les pièces justificatives susceptibles de les accompagner (devis, bon de commande, bordereau de livraison…) sont encore très souvent au format papier. La méthode manuelle pour les passer en comptabilité est non seulement chronophage, mais source d’erreurs, qui elles-mêmes peuvent induire des irrégularités de TVA et attirer l’attention des contrôleurs du fisc. En automatisant l’encodage des factures par le biais de l'intelligence artificielle, on obtient une hausse de la productivité et de la rigueur : les données sont fiables, complètes, homogènes, et peuvent ensuite rester protégées et accessibles tout au long de leur durée légale de conservation (6 ans pour l’administration fiscale, d'après la Loi française).
Pour cela, l’intelligence artificielle joue un rôle clé. Dans un premier temps, elle renforce les technologies traditionnelles de reconnaissance optique de caractères (OCR) pour extraire avec une fiabilité proche de 100 % les éléments figurant sur les documents papier. Dans un second temps, grâce à des techniques de Machine Learning (en français - apprentissage automatique) basées sur l’assimilation de millions d’exemples, elle est capable de donner un sens à ces données, quelle que soit la nature et la présentation du document d’origine. Concrètement, l’IA est en mesure de « lire » les chiffres figurant sur une facture et de déterminer s’il s’agit respectivement d’une référence client, d’un numéro de bon de commande et d’un montant TTC. Les écritures peuvent alors être imputées directement, pour un minimum d’erreurs et de risques de manipulation frauduleuse.
Mise en œuvre de la piste d’audit fiable : la bonne foi en action
Une facture électronique, ou dématérialisée, est un fichier numérique, donc potentiellement passible de modifications ou de falsifications. L’administration fiscale exige par conséquent qu’il soit possible de garantir, à tout moment, l’authenticité de son origine, l’intégrité de son contenu et sa lisibilité par un être humain. Pour cela, il existe plusieurs méthodes : on peut soit utiliser des formats de fichier suffisamment sécurisés (EDI, signature électronique RGS**), soit mettre en œuvre une Piste d’Audit Fiable (PAF), permanente, sécurisée et documentée.
En l’absence de PAF, ou si les dispositifs mis en œuvre sont jugés insuffisants, les contrôleurs du fisc sont susceptibles de douter de la véracité des éléments qui leur sont présentés, et donc de la réalité de l’opération économique sous-jacente. Ils peuvent alors considérer qu’ils ont affaire à des factures fictives ou de complaisance, revenir sur les déductions de TVA auxquelles elles ont donné lieu, et sanctionner la supposée fraude d’une amende équivalente à 50 % des montants facturés. Pire même, les agents peuvent juger que ces carences sont une forme délibérée d’opposition au contrôle fiscal, laquelle est passible d’un doublement des redressements.
À travers le processus de dématérialisation et de contrôle des données, l’IA tient une place importante dans la mise en œuvre d’une PAF efficace et conforme aux attentes de l’administration fiscale. Sa capacité de reconnaissance et d’analyse des contenus permet, d’une part, de vérifier automatiquement que l’on a bien affaire à une facture au sens de Bercy (c’est-à-dire qu’y figurent bien tous les éléments et mentions obligatoires, de la date aux montants HT et TTC) ; d’autre part, qu’elle est en accord avec les informations déjà présentes dans le processus d’achat (numéro du bon de commande, identité du fournisseur, description des produits et des services…). Cette cohérence est capitale pour pouvoir démontrer, si nécessaire, la réalité de la transaction. Avec l’IA, la bonne foi peut s’appuyer sur des éléments tangibles.
Lutte contre la fraude : pour n’être ni victime, ni complice
Rejet des factures non conformes et des doublons, signalement des erreurs et des incohérences… l’IA veille au grain. Grâce à des approches graphométriques, stéganographiques et d’analyse de fréquence de pointe, elle est même capable de repérer des usurpations d’identité, des documents falsifiés ou des mouvements suspects et de donner aussitôt l’alerte. Avec l’IA, l’entreprise peut considérablement renforcer ses dispositifs de lutte contre la fraude à son encontre. Ce faisant, elle se prémunit aussi d’éventuelles accusations de fraude fiscale. Car de victime, on peut rapidement se retrouver accusé de complicité pour avoir manqué à ses obligations de contrôle. Par négligence ou par complaisance ? C’est souvent difficile à prouver. Mieux vaut donc prendre ses précautions. L’IA, permet de se protèger doublement.
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