Tous concernés ! Tous en règle ?
Traçabilité et fluidité accrues des échanges, raccourcissement des délais, réduction des coûts, facilitation de la gestion et des contrôles, limitation de l’impact environnemental.
Pour toutes ces raisons, les pouvoirs publics européens comme français incitent depuis plusieurs années les acteurs économiques à délaisser le papier pour adopter la facture électronique.
En France, l'usage de la facture électronique est devenu obligatoire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dans le cadre des marchés publics depuis le 1er janvier dernier.
Mais l’avancée la plus décisive a sans doute eu lieu en 2010 avec la Directive européenne 2010/45/UE, transposée en droit français en octobre 2013 et applicable depuis le 1er janvier 2014. Depuis ce texte, en effet, une facture ne se définit plus par son support, mais uniquement par son contenu.
Autrement dit, une facture électronique, quel que soit son format (PDF, XML…), et une facture papier porteuses des mêmes informations ont la même valeur et doivent être traitées de la même manière. En contrepartie de cette grande facilité technique, le législateur a naturellement instauré plusieurs obligations, parmi lesquelles la piste d’audit fiable.
Outre un certain nombre de mentions obligatoires (voir plus bas), un document électronique ne peut être considéré comme une facture que si l’on peut garantir, à tout moment, l’authenticité de son origine, l’intégrité de son contenu et sa lisibilité par un être humain.
Pour attester de ces trois propriétés cardinales, l’administration fiscale offre trois possibilités : utiliser un format d’échange électronique (EDI) normalisé, signer électroniquement les factures à l’aide d’un certificat de niveau RGS**, ou avoir mis en place une piste d’audit fiable, documentée et permanente (PAF).
Une définition précise de la piste d'audit fiable pourrait être : l’ensemble du dispositif que doit mettre en œuvre l’entreprise pour être en capacité de démontrer à l’administration fiscale la réalité économique de l’opération facturée.
Son objectif principal est donc de pouvoir reconstituer de façon complète et irréfutable la chronologie du processus de facturation, depuis l’origine de la facture jusqu’à son archivage. Au-delà d'être obligatoire, elle constitue une véritable opportunité dans le cadre du processus de facturation.
Comme pour toute évolution réglementaire majeure, les enjeux de la piste d'audit fiable vont bien au-delà du domaine juridique. La piste d’audit n’échappe pas à ce principe : on peut ainsi identifier cinq enjeux pour les entreprises. La piste d’audit contribue, par définition, à garantir la conformité, mais aussi à mieux sécuriser les flux financiers et comptables, à améliorer la productivité des équipes, à réduire les coûts et à renforcer l’agilité des processus de gestion de factures.
"Dès l’instant où notre processus de dématérialisation a été sécurisé, prioritairement par l’usage exclusif de l’outil, une amélioration de la visibilité de nos engagements a été constatée.
La répartition des responsabilités des différents niveaux de validation a permis de soulager la structure dans son fonctionnement, mais également de mieux comprendre les différents circuits de validation par le renforcement du contrôle interne.
Enfin, en véritable outil de contrôle, il met à disposition un workflow complet du processus de dématérialisation des factures, depuis la prise de la commande, jusqu’au paiement de la facture. "
Dominique Duthey, Responsable Administratif et Financier
En ce qui concernela méthodologie de la PAF, l’administration fiscale laisse toute latitude aux entreprises, se réservant donc la possibilité de les juger insuffisants lors d’un contrôle.
Tout dépendra donc de la taille de l’entreprise, des volumes de facturation et de la complexité des flux. Pour un artisan ou une petite entreprise, adjoindre à chaque facture le bon de commande et le bon de livraison correspondants peut ainsi se révéler suffisant.
Toutefois, en règle générale, la première étape consiste à cartographier les flux de facturation et à les décrire (s’agit-il de biens ? de services ? d’échanges nationaux ou internationaux ?...).
Pour les flux concernés par la PAF, on recense ensuite les contrôles qui contribuent à sécuriser la facturation (quels sont les circuits de validation ? quels sont les garde-fous humains ? informatiques ?...). Puis on évalue – et, le cas échéant, on renforce – leur niveau au regard des attentes de l’administration fiscale. Enfin, on rédige une documentation claire et exhaustive de l’ensemble de ces dispositions. On veillera par la suite à la tenir à jour et à ce que la PAF reste cohérente avec les autres pièces qui peuvent être demandées en cas de contrôle.
Le saviez-vous ?
L’article 153 de la loi de finances 2020 prévoit l’obligation de dématérialiser les factures pour les relations inter-entreprises. La mise en œuvre de ces dispositions sera progressive, entre le 1er janvier 2024 et le 1er janvier 2026.
Un double flux sera adressé aux services fiscaux afin d’accompagner les entreprises pour faciliter la lutte contre la fraude à la TVA.
L’une des conséquences de la directive européenne de 2010 est que les entreprises sont désormais susceptibles de recevoir des factures sous les formats les plus divers.
Pour maîtriser cette hétérogénéité et satisfaire malgré tout à leurs obligations, elles doivent donc se doter d’un outil capable de capturer l’ensemble des factures (y compris papier, grâce à la dématérialisation), puis de les traiter de manière indifférenciée.
Pour répondre aux exigences de la PAF, ces technologies doivent intégrer et faciliter la conformité. Il sera notamment possible de reconstituer chronologiquement la totalité du processus de facturation (procure-to-pay, P2P), de relier les divers documents attachés à la transaction et de mettre en place les contrôles appropriés, qu’ils soient automatiques ou manuels.
Et, en cas de vérification de l’administration fiscale, l’outil devra permettre d’obtenir facilement les éléments de preuve : extraction de l’historique des transactions, documentation des contrôles, etc.
"La dématérialisation, tout particulièrement pour les flux de facturation devient inévitable.
Mais cette évolution doit nécessairement être maîtrisée juridiquement pour qu’elle soit source de gains et non de contraintes et de risques pour l’entreprise."
Jean-François Defudes, cabinet TAJ
L'entreprise encourt des sanctions pour facture non conforme : amende de 15 € par mention manquante ou inexacte (dans la limite du quart du montant de la facture). En outre, tout manquement à l’obligation de facturation entre professionnels est passible d’une amende pouvant atteindre 375 000 €, susceptible d’être doublée en cas de récidive.
En ce qui concerne la PAF, les obligations étant plus lâches, le barème n’est pas aussi précis. Ce qui ne veut pas dire que les risques sont moins importants, bien au contraire !
En cas de contrôle fiscal, être incapable de présenter une piste d’audit fiable, documentée et permanente, donc de démontrer la réalité économique sous-jacente aux factures, peut être considéré comme une forme de dissimulation.
Les vérificateurs peuvent alors remettre en cause les déductions de TVA, estimer qu’il s’agit de factures fictives ou de complaisance, et donc sanctionner la supposée fraude d’une amende (50 % du montant facturé), ou même juger que ces manquements constituent une opposition à contrôle fiscal, passible d’un doublement des redressements.
Toutefois, la PAF ne doit pas être uniquement vue sous l’angle des risques de non conformité. C’est aussi une invitation à mettre de l’ordre dans l’un des processus clés de l’entreprise, à s’outiller pour tirer parti de tous les avantages de la dématérialisation, et donc à se doter du solide socle de gestion indispensable au développement de l’activité.
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