Après une longue gestation, les grands principes de la réforme qui vise à généraliser la facture électronique sont à présent connus. À compter de l'entrée en vigueur de la réforme, toutes les entreprises assujetties à la TVA basées en France, quelle que soit leur taille, auront l’obligation d’accepter les factures électroniques, donc d’avoir la capacité technique de les traiter. À partir de ce même moment, les grandes entreprises devront en outre émettre toutes leurs factures électroniquement. Ensuite, ce sera au tour des entreprises de taille intermédiaire. Enfin, cette obligation s'étendra à l'ensemble des entreprises assujetties à la TVA, ce qui marquera la fin définitive de la facturation papier, y compris pour les commerçants, les artisans et les indépendants. Dans ce paysage entièrement dématérialisé, de nouveaux intermédiaires sont appelés à jouer un rôle central : les plateformes de dématérialisation partenaires, ou PDP.
Cyrille Sautereau, président du Forum National de la Facture Electronique, revient sur les points clés à retenir.
Les plateformes de facturation électronique : rôle et objectifs
En généralisant la facturation électronique, l’État poursuit quatre objectifs : fluidifier les processus administratifs pour doper la compétitivité des entreprises et lutter contre le fléau des retards de paiement ; simplifier les déclarations de TVA qui, à terme, pourront être pré-remplies ; renforcer la lutte contre la fraude ; avoir une vision détaillée et en temps réel de l’activité économique. Cependant, la condition pour que ces bénéfices se concrétisent est que la mise en œuvre de la réforme soit la plus complète, la plus rapide et la plus indolore possible. Et c’est là qu’interviennent les plateformes de dématérialisation partenaires.
Pour connaître les montants de TVA au fil de l’eau, il est nécessaire que l’État soit informé au plus tôt de toutes les opérations qui y sont soumises. Le dispositif prévu distingue deux catégories de transactions : celles réalisées avec une personne morale assujettie en France (B2B), d’une part ; celles réalisées avec des particuliers (B2C) ou avec des acteurs économiques étrangers (B2B international), d’autre part. Pour les premières, l’administration exigera que les factures émises soient formellement contrôlées avant qu’elles ne soient adressées au client. C’est ce qu’on appelle un contrôle transactionnel continu (CTC) en mode « clearance », aussi nommé e-invoicing dans le cadre de la réforme. Pour les secondes, il faudra transmettre des déclarations spécifiques de données de facturation et/ ou de vente, voire d’achat international de façon régulière, détaillée et quasi temps-réel ; c’est le e-reporting, qui est une autre forme de CTC.
Pour ne pas risquer un engorgement technique et administratif, l’État a décidé de structurer la charge de ces deux procédures en déléguant une partie à de nouveaux intermédiaires immatriculés et régulièrement audités, les PDP, pour Plateformes de Dématérialisation Partenaires, … partenaires de l’Administration pour être plus clair. Dans le cas de l’e-invoicing, la PDP aura pour rôle principal d’une part, dans son rôle d’émission, de contrôler la validité formelle des factures à émettre, d’extraire les données attendues par l’Administration fiscale et de lui transmettre, et de transmettre la facture à la PDP du destinataire, et d’autre part en réception, de recevoir les documents pour le compte des destinataire puis de les lui transmettre après avoir aussi contrôlé sa validité formelle, et le cas échéant avoir produit une version lisible et / ou une conversion de format.
Les PDP devront aussi échanger entre elles des statuts de traitement des factures, a minima ceux qui devront aussi être transmis à l’administration fiscale aux fins du pré-remplissage TVA. La PDP se trouve ainsi au centre d’un schéma en Y, dont les branches pointent vers l’acheteur, le fournisseur, et le PPF, Portail Public de Facturation qui est à la fois une PDP sur un service minimum, réduit à l’échange de factures et statuts sur les formats minimum exigés et un concentrateur des données requises par l’administration fiscale. En ce qui concerne, l’e-reporting, les PDP devront permettre à leurs clients de fournir les éléments déclaratifs requis, le cas échéant après les avoir extraits des flux de facturation ou des informations de vente, les avoir agrégés par période de déclaration et mis en forme et transmis tel qu’attendu par l’administration fiscale, au travers du PPF.
Visionnez notre webinar replay avec Cyrille Sautereau, le Président du FNFE, Forum National de la Facture Electronique, pour connaître :
- les évolutions déclenchées par l’ordonnance 2021 – 1190 du 15 septembre 2021
- le modèle retenu pour la France
- les futurs formats de factures acceptés comme la factur-X
- les obligations pour les Plateformes de Dématérialisation Partenaires et le planning prévisionnel.
Les plateformes de facturation électronique : comment ça fonctionne ?
Recourir à une PDP ne sera toutefois pas une obligation, l’État ayant prévu de créer en parallèle sa propre plateforme de transmission directe, le Portail Public de Facturation (PPF). Comparable à Chorus Pro qu’utilisent aujourd’hui les entreprises pour facturer les organismes publics, le PPF acceptera uniquement les formats dits du « socle minimal »
(à ce jour, 2 formats de facture électronique de données conformes à la norme européenne EN16931 déjà déployés pour le secteur public européen, et un format mixte Factur-x qui est une facture au format PDF embarquant les données essentielles de la facture sous un des 2 formats de données de la norme européenne) et n’offrira que les fonctionnalités essentielles d’échange de factures, y compris la conversion entre formats du socle, et de statuts afférents.
Les PDP, au contraire, pourront proposer des services additionnels, tant sur la partie amont pour créer des factures aux formats attendus par les acheteurs, effectuer des contrôles métiers, … que sur la partie aval pour faciliter l’intégration technique et fonctionnelle, rapprochement, workflow de validation, préparation du paiement et des statuts de traitement. Globalement, il s’agit de fluidifier et automatiser les processus de bout en bout : accepter davantage de format d’entrée et les convertir, se connecter directement aux logiciels de facturation, d’une part, et de traitement des factures, automatiser les échanges, fournir des éléments de reporting…
Bien entendu, la priorité pour les PDP restera d’assurer leur rôle d’intermédiaire reconnu comme tel et donc de satisfaire aux exigences nécessaires pour obtenir son immatriculation, ce qui nécessitera aussi certaines qualifications et des audits réguliers. Bien que le périmètre précis des exigences reste encore à finaliser, il ne fait aucun doute qu’un accent tout particulier sera mis sur la robustesse, la sécurité et la confidentialité des infrastructures techniques et des processus d’administration et de gestion, y compris des accès à des portails de suivi, mis en œuvre. Nouveau maillon clé de l’économie française, ces solutions ne doivent pas en devenir un point de fragilité.
Les PDP ont donc vocation à devenir des interlocuteurs quotidiens des entreprises et un rouage clé de leurs systèmes de gestion. Elles assureront la liaison avec l’administration fiscale, d’une part, et avec leurs clients et fournisseurs, d’autre part. À ce jour, personne n’est officiellement une PDP puisque les dossiers de candidature devront être déposés courant 2023, mais certains éditeurs de solutions logicielles ont déjà communiqué leur ambition de le devenir et s’y préparent activement en aidant leurs clients à anticiper cette évolution majeure. Ne pas attendre le dernier moment pour mettre en place et les outils et les processus de la facturation électronique, c’est aussi se donner le temps de les ajuster à ses modes de fonctionnement, de les rôder et d’en tirer sans attendre tous les bénéfices en termes de productivité et d’efficacité.
Quels sont les avantages d'une plateforme de dématérialisation partenaire ?
Le portail public de facturation (PPF) offre un socle minimum de services, avec des fonctionnalités axées sur le respect des obligations imposées par la réforme, notamment en ce qui concerne l'e-invoicing et l'e-reporting.
Cependant, une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) apporte une couverture fonctionnelle beaucoup plus large, à chaque étape du processus de facturation. Par ailleurs, il s'agit d'un acteur certifié et reconnu par l'État, contrairement à un opérateur de dématérialisation (OD).
Ainsi, une PDP offre de nombreux avantages pour les entreprises.
La prise en charge de flux de factures divers
Le PPF est conçu pour transmettre à l'administration fiscale les données de facturation nécessaires pour le pré-remplissage de la déclaration de TVA. Ainsi, il n'est pas en mesure de gérer tous les flux de facture.
Au contraire, une PDP est capable de transmettre et de recevoir des factures vers ou depuis l'étranger, en appliquant les réglementations fiscales internationales. L'envoi de factures vers des clients B2C et non assujettis est aussi possible. Tout comme les factures destinées à des partenaires non concernés par la réforme : hôpitaux, pharmacies, enseignement, banque-assurance…
La gestion de formats de factures multiples
On compte plus d'une centaine de formats de factures électroniques dans l'Union européenne : Factur-X, EDIFACT, EANCOM, GALIA, UBL, Finvoice, EDIPUB, CII et bien d'autres encore.
Alors que le PPF se limitera aux trois formats « socles » de la réforme (Factur-X, UBL et CII), une plateforme de dématérialisation partenaire pourra supporter n'importe quel format en entrée ou en sortie. Un réel atout, quand on sait que de nombreuses entreprises françaises utilisent la syntaxe EDIFACT et ses dérivés, comme GALIA ou EANCOM.
De plus, une PDP permettra de convertir des formats applicatifs (issus, par exemple, d'un ERP ou d'un logiciel comptable) vers n'importe quel autre format. Les organisations peuvent ainsi s'adapter aux préférences de leurs clients, en émettant les factures au format de leur choix.
La possibilité d'effectuer des contrôles spécifiques
Le portail public de facturation réceptionne seulement les factures aux formats socles et applique des contrôles identiques pour tous les utilisateurs. Au contraire, une PDP peut appliquer des contrôles spécifiques convenus entre les parties, en allant au-delà des mentions obligatoires.
Concrètement, il est possible pour une plateforme de dématérialisation de gérer des règles spécifiques à un secteur d'activité, mais aussi d'appliquer des contrôles adaptés aux besoins de chaque client, en émission comme en réception. Elle peut implémenter toutes les données nécessaires à l'acheminement et à la réconciliation des factures chez l’acheteur.
En outre, une PDP aide à réduire les risques de fraude et de litige en examinant les référentiels du client et du fournisseur, en identifiant d'éventuelles usurpations d'identité ou en anticipant l'insolvabilité d'un tiers.
Un archivage conforme et sécurisé
Une plateforme de dématérialisation partenaire pourra proposer un archivage légal des factures pour une durée de 10 ans (qui peut être prolongée si besoin), tandis que le PPF assure leur conservation pendant 10 ans sans garantie de service. Par ailleurs, l’archivage concerne autant les factures domestiques que les factures internationales, dans le respect des différentes réglementations.
Une PDP permet également de faciliter la démonstration de la valeur probante de l'archivage, tout en facilitant la piste d'audit fiable. Idéal pour garantir la conformité ainsi que l'intégrité de la facturation électronique de l'entreprise. Enfin, l'accès aux documents est complètement sécurisé, avec un service de consultation en ligne assurant l’authentification des utilisateurs.
Une interopérabilité maximale
Les PDP auront pour avantage d'être interconnectées entre elles, mais aussi avec les autres acteurs, notamment le portail public de facturation et les opérateurs de dématérialisation.
Ces plateformes bénéficient ainsi d'une interopérabilité supérieure, avec de nombreux protocoles de raccordement configurables en fonction des besoins.
Des fonctionnalités étendues pour la création de factures
Le portail public de facturation offre 3 services de base :
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La création de facture par échange de données informatisé (EDI).
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La création de facture par saisie de données.
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L'utilisation de la reconnaissance optique de caractères (OCR) pour la conversion des fichiers PDF et la transmission des données à l'administration.
Une plateforme de dématérialisation partenaire, quant à elle, propose des fonctionnalités plus poussées. Des fonctionnalités qui permettront notamment de diminuer considérablement le temps de saisie, tout en réduisant le risque d'erreur.
Un e-reporting simplifié
Pour ce qui est des factures B2B internationales ou B2C, une PDP offre des fonctionnalités particulièrement utiles :
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Extraction et collecte des données depuis la facture ou Z de caisse
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Mise au format de la réforme.
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Contrôle de la cohérence et de la conformité.
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Transmission à l'administration à la fréquence imposée par le législateur en fonction du régime de TVA applicable dans l’entreprise.
De plus, les données liées aux transactions B2C peuvent être regroupées par période de déclaration ou agrégées par numéro SIREN pour plus de clarté.
Par conséquent, les plateformes de dématérialisation partenaires simplifieront les obligations liées au e-reporting, là où le PPF impose des modalités uniques de transmission des données et des factures.
Des services à forte valeur ajoutée, au-delà des obligations légales
Une PDP est une plateforme qui permet de répondre aux enjeux de conformité de la réforme, mais c'est aussi un outil précieux pour la digitalisation de la facturation dans son ensemble. Elle s'intègre parfaitement au sein de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise, mais aussi dans son processus procure-to-pay (P2P).
Ce type de plateforme prend également en charge le rapprochement des factures avec les bons de commande, les bons de réception ou encore les contrats. Enfin, elle fluidifie le circuit d'approbation et la mise en paiement.