Alors que la facture électronique entre peu à peu dans les mœurs en Europe, la Belgique figure désormais dans le peloton de tête !
À la faveur de la dynamique engendrée par la crise sanitaire, qui a accéléré la dématérialisation des échanges et en particulier des factures (59 % des grandes entreprises belges affirment avoir établi davantage de factures électroniques en raison du coronavirus), les pouvoirs publics semblent désormais résolus à accelerer la transition. En allant jusqu’à rendre la facture électronique obligatoire, comme en Italie ou bientôt en France dans le cadre des échanges B2B ?
Ce n’est pas exclu, et les entreprises belges auraient tout à gagner à anticiper sans plus attendre ce virage inéluctable.
Les avantages de la facture électronique
Pour l’État, la facture électronique est un puissant outil de lutte contre la fraude fiscale et l’insistance du gouvernement belge à la promouvoir n’est donc pas totalement désintéressée. Cependant, il ne devrait pas lui être trop difficile de convaincre les entreprises car elles aussi ont beaucoup à y gagner, à commencer par une réduction drastique de leurs coûts. En 2012, une étude de l’Université de Hasselt, commanditée par l’Agence pour la simplification administrative (ASA) évaluait le coût global d'un document (facture papier) à 12,48 €. Grâce à la facturation électronique, l’élimination, entre autres, des frais d’expédition, de ressaisies, de manutention et de stockage permet d’économiser jusqu’à 9 €, soit 75 % ! Pour l’ensemble de l’économie belge, cela représenterait 3,5 milliards d’euros de gains sur un an.
La réduction des coûts est le principal argument en faveur de la facture électronique, mais ce n’est pas le seul. Simple d’utilisation, s’intégrant aisément dans des processus automatisés, la facture électronique permet d’écourter considérablement les délais de traitement. Ne nécessitant aucune saisie, elle éradique de ce fait les erreurs, sources d’innombrables et coûteux litiges. Plus fiable, elle est également plus sûre alors que les entreprises sont elles-mêmes victimes de tentatives de fraudes de plus en plus nombreuses.
Sa fiabilité et son efficacité rejaillissent aussi sur l’image de l’entreprise, que ce soit auprès de ses fournisseurs, de ses clients ou des talents qu’elle cherche à recruter. Enfin, on ne saurait oublier le bénéfice environnemental considérable que constitue l’économie d’un tel volume de papier. La dématérialisation des factures s'intègre également parfaitement dans les procédures administratives, renforçant ainsi l'efficacité globale de l'organisation.
La situation réglementaire en Belgique
En Belgique, le Service public fédéral Stratégie & Appui (SPF BOSA), chargé notamment de la transformation digitale du pays, a reconnu l’existence légale de la facture électronique en 2013. Depuis la transposition dans le droit belge de la directive européenne 2010/45/UE, les factures électroniques et papiers sont équivalentes.
Quel que soit son support, une facture est considérée comme telle si et seulement si elle présente les trois caractéristiques fondamentales d’authenticité (elle a bien été émise par le fournisseur de biens ou de services), d’intégrité (son contenu n’a pas été modifié depuis l’instant de son émission) et de lisibilité (les informations doivent être aisément déchiffrables et compréhensibles par l’œil humain).
En 2016, il est devenu obligatoire en Flandre d’adresser ses factures sous format électronique aux organismes publics. En 2018, cette obligation a été étendue à toutes les entités fédérales pour les transactions supérieures à 135 000 euros. Enfin, en 2019, en application de la directive 2014/55/UE, la Belgique s’est attelée à mettre en œuvre la facture électronique pour l’ensemble des marchés publics, processus achevé en novembre 2020.
PEPPOL, un standard incontournable
Dès 2015, la Belgique a fait le choix du standard européen PEPPOL pour la facturation électronique de ses achats publics. PEPPOL fournit, d’une part, une infrastructure de transmission (le réseau PEPPOL) et, d’autre part, des spécifications de format pour les factures électroniques (PEPPOL BIS), conforme aux exigences de la directive 2014/55/UE.
En Belgique, le réseau PEPPOL s’interface avec la plateforme Mercurius qui centralise les achats des entités publiques. Connectées à Mercurius, les entités fédérées distribuent ensuite les factures à leurs administrations via leur propre plateforme. En Région de Bruxelles-Capitale, le CIRB (le Centre d’Informatique pour la Région Bruxelloise) gère la plateforme Fidus qui joue le rôle d’interface entre Mercurius et les administrations et institutions bruxelloises. Il suffit aux entreprises de se conformer au standard PEPPOL pour être en mesure de facturer l’ensemble des organismes publics belges (et même ceux de tous les pays qui, de Singapour à la Nouvelle-Zélande, ont adopté PEPPOL).
Aujourd’hui, de nombreux outils de facturation électronique intègrent le format PEPPOL BIS et permettent d’accéder aisément au réseau PEPPOL. Le succès de PEPPOL aidant, certains envisagent même qu’il déborde de la sphère des achats publics (B2G) et qu’il devienne un standard des échanges interentreprises (B2B). Au Luxembourg, l'adoption de la facture électronique s'inscrit également dans cette dynamique, renforçant ainsi l'efficacité des transactions entre les entreprises.
Les briques à mettre en œuvre
Après l’obligation de la facturation électronique pour le secteur public, les entreprises belges doivent s’attendre à plus ou moins brève échéance à sa généralisation à l’ensemble de leurs transactions. Malgré tout l’intérêt qu’elles auraient à cette évolution, ce serait loin d’être un changement anodin. Dans tous les cas, sa réussite technique reposera nécessairement sur quatre piliers complémentaires :
- la capture omnicanal des factures entrantes de manière à pouvoir gérer la diversité des formats (y compris le papier le temps de la transition) ;
- le contrôle des informations obligatoires et des mentions légales, indispensable pour respecter ses obligations légales et prévenir la fraude ;
- l’interopérabilité des systèmes (dont PEPPOL) pour faciliter les échanges dans un environnement à la complexité croissante ;
- l’automatisation du processus de traitement, depuis la réception de la facture jusqu’à son règlement (Procure-to-Pay).